Association Républicaine Poulain-Corbion

Association Républicaine Poulain-Corbion

2007 . L'héritage de Poulain-Corbion

Vernissage de l'exposition « L'héritage de Poulain-Corbion »

Hôtel de ville de Saint-Brieuc le vendredi 24 octobre 2007.

Allocution prononcée par Edouard Le Moigne, président de l'Association Républicaine Poulain-Corbion

*A l'ouverture de cette exposition consacrée à « L'héritage de Poulain-Corbion », mes remerciements vont  tout naturellement à Bruno Joncour, Maire de Saint-Brieuc qui a toujours été sensible aux démarches de l'Association Républicaine Poulain-Corbion. Mes remerciements vont aussi à  ses collaborateurs notamment  Evelyne Bot, Maire-adjointe ainsi qu'à l'ensemble du Conseil Municipal qui a voté les dispositions financières pour que l'investissement matériel de cette exposition soit couvert.

Grâce aux documents ici réunis par Mme Coutentin directrice des Archives Municipales, Poulain-Corbion entre aujourd'hui, « rentre » à nouveau  dans ses meubles, dans sa mairie de Saint-Brieuc dont il a été le premier magistrat.

(A l'époque la Mairie ou Maison commune était à l'emplacement de la Préfecture, de l'autre côté de la place dont le nom était Place du Pilori, dénommée Place de la Liberté en 1789).

*Poulain-Corbion a été maire de Saint-Brieuc à plusieurs reprises pendant les 10 années (de 1779 à 1789) qui ont précédé le déclenchement de la Révolution. Puis il a été député de Saint-Brieuc (de mai 1789 à septembre 1791) . Enfin il a été  Commissaire (représentant) du Directoire, le gouvernement de la République (de 1795 à 1799) auprès de la municipalité.

Il y a donc deux grandes phases dans la carrière politique de Poulain-Corbion :

-- Celle d'élu local comme  maire de 1779 à 1789.

-- Celle de député puis de Commissaire du Directoire avec des responsabilités nationales et extra-municipales de 1789 à 1799.

1. Que sait-on de Poulain-Corbion maire de Saint-Brieuc ?

*Poulain de Corbion (Jean-François Pierre), est né à Quintin le 10 juin 1743.

Il n'y a pas encore eu d'historiens à se pencher sur Poulain-Corbion. Espérons que le fait de sortir l'illustre Briochin de l'ombre, suscitera la curiosité de l'un ou l'autre d'entre eux. C'est ici que les Archives Municipales sont précieuses. Elles constituent le livre de souvenirs, l'album de famille de la ville et sont une source féconde pour les chercheurs.

Poulain-Corbion est avocat à Saint-Brieuc. Il siège à la communauté de ville, sorte de Conseil Municipal dont il est plusieurs fois  le maire (mandats de 2 ans). Il abandonne la fonction lors de son élection aux Etats Généraux convoqués par Louis XVI à Versailles le 5 mai 1789.

*On sait que sous ses mandats il a fait réaliser d'importants travaux d'urbanisme : le pavage de rues, l'aménagement de la promenade Duguesclin qu'il fait planter d'arbres. A son actif aussi la construction de quais au Légué, dans un souci, constamment renouvelé jusqu'à nos jours, de doter St-Brieuc d'un port fonctionnel, soucieux qu'il était de développer l'activité économique d'une ville qui était plutôt assoupie.

*Dans la notice biographique officielle que lui consacre le Dictionnaire des Parlementaires français, il est écrit :

«Maire de cette ville….il se montra favorable aux idées nouvelles, publia une brochure : La poule au pot (1788), en faveur des paysans, « classe respectable qui est la nourrice des autres classes de citoyens. »

Ouvert comme il est dit aux idées nouvelles, que propageaient les philosophes des Lumières, soucieux des problèmes économiques et sociaux, (on l'a vu déjà avec le port du Légué)  Poulain-Corbion s'apparente manifestement à ces hommes politiques et économistes de la fin du XVIIIème siècle qu'on appelle les « physiocrates ». On connaît de ceux-ci Turgot qui propulsa la culture de la pomme de terre et fut ministre. Necker aussi est de cette veine.

On sait par ailleurs que Poulain-Corbion écrivit à ce même ministre Necker sur la question paysanne ce qui donne la  mesure de l'importance politique de l'élu briochin et de la considération avec laquelle il était écouté en haut lieu.

On trouve un écho direct de ses préoccupations sociales et économiques dans le cahier de doléances (reproduit dans l'exposition) qui fut adopté sous sa présidence, lors de la préparation des Etats Généraux de 1789 : abolition des corvées, les paysans étant selon l'expression consacrée,  « taillables et corvéables à merci » ; demande que les impôts soient plus équitablement répartis sur toutes les classes de la société, et donc sur la Noblesse et le Haut Clergé qui en étaient largement dispensés.

On mesure au travers de ce cahier de doléances, à Saint-Brieuc comme ailleurs, l'importance des griefs  formulés à l'encontre de ces 2 premiers ordres de la société.

 Ce que confirme encore la demande également exprimée par Poulain-Corbion et ses collègues briochins, que le Tiers  qui représente 96% de la population, ait droit à une représentation plus équitable aux Etats Généraux.

C'est le début d'une empoignade formidable. Celui qui sera à la pointe de ce combat, au plan national, c'est l'abbé Siéyès. L'abbé Siéyès, le futur  collègue de Bonaparte au Consulat, que Poulain-Corbion avait sans doute connu alors qu'il était  en poste comme chanoine à Tréguier (ville épiscopale),  publie en 1789 un livre retentissant « Qu'est-ce que le Tiers Etat ? »  

                        Qu'est-ce que le Tiers Etat ? Tout !

                                Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien !

                                Que demande-t-il ? A y devenir quelque chose !

On sait que le Tiers arrachera le doublement du nombre de députés et le vote par tête en remplacement du vote par ordre. Ces dispositions, qui assurent la suprématie du Tiers, seront déterminantes pour mettre fin à l'Ancien régime.

Ajoutons encore que Poulain-Corbion fut à l'origine de la création d'une chambre littéraire à Saint-Brieuc, qui malgré son nom ne discutait pas que de littérature. A l'image des « salons » de l'époque, on y discutait aussi politique, les partis n'existant pas comme aujourd'hui .

On a pu penser, qu'il était membre de la Franc-Maçonnerie, comme bien d'autres, ainsi Palasne de Champeaux, élu comme lui député de St-Brieuc . Mais rien n'atteste qu'il fut réellement membre de la loge briochine la « Vertu triomphante ». Reste à savoir pourquoi, à plusieurs années d'intervalle, avant et après 1789,  il accole à sa signature les trois points dont certains francs-maçons sont coutumiers.

2. Poulain-Corbion député de Saint-Brieuc aux Etats-Généraux de mai 1789

Elu député du Tiers Etat du secteur de Saint-Brieuc, avec Palasne de Champeaux, il siège à Versailles. C'est dans cette ville que le « salon breton » est  le lieu de réunion non seulement des députés bretons, mais aussi des éléments les plus avancés du Tiers. Après le transfert de l'Assemblée à Paris en octobre 1789, le salon breton continuera sous le nom de Club des Jacobins.

L'Assemblée  constituante se dissout en septembre 1791 après avoir adopté non seulement une  constitution pour le Royaume, mais un ensemble de lois, de règlements, et doté la France  d'institutions qui changent notre pays de fond en comble. On passe en effet, en une poignée de mois, de l'Ancien Régime reposant sur une monarchie absolue de droit divin encore empreint de la féodalité, à une France moderne et démocratique dont les institutions actuelles sont largement issues.

*Poulain-Corbion a donc siégé comme député de Saint-Brieuc du 5 mai 1789 au 30 septembre 1791. Il a renoncé à son mandat de maire : éloignement oblige. Certains députés bretons sont restés ces deux ans et demi sans revenir chez eux !

Les manuels d'histoire consacrent des pages entières à l'œuvre de la Constituante. Poulain-Corbion a contribué à sa manière à l'adoption des nouvelles institutions et des lois qui pour beaucoup inspirent encore celles qui sont en vigueur aujourd'hui. Il est ici impossible de les rappeler toutes.

Néanmoins ont peut réfléchir sur quelques exemples de mesures prises et dont notre époque en perçoit encore l'écho :

a). 4 août 1789 : abolition des privilèges des particuliers et des provinces. Ainsi prend fin le régime de la Bretagne issu du rattachement de la province au royaume de France au XVIème siècle.

L'aristocratie bretonne (Noblesse et Haut Clergé, pas le Bas Clergé) avait refusé d'envoyer des députés aux Etats Généraux, pressentant sans doute que ses privilèges allaient être mis à mal.

La suppression des provinces et des multiples circonscriptions de l'ancienne France fait place aux départements qui ont subsisté jusqu'à nos jours. A noter que le premier administrateur du département des Côtes-du-Nord est Nicolas Armez de Paimpol lié à Poulain-Corbion qui a aidé à sa nomination.

b). On relèvera aussi que l'Assemblée Constituante est marquée en particulier par la première manifestation d'ampleur nationale : la fête de la Fédération le 14 juillet 1790 qui fait suite à une proposition des délégués des Municipalités bretonnes et angevines réunis à Pontivy en février de cette année 1790. Il s'agit là d'un événement qui consacre le parachèvement de la Nation française dont les Bretons sont constitutifs à part entière.

c). La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen est du 26 août 1789.

On a retenu l'article Ier :

 « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune » .

L'article X :

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre établi par la loi ».

Cette Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen reste aujourd'hui une référence pour tous les pays et toutes les époques. C'est le refus des persécutions pour dissidence religieuse. Les Protestants, les Juifs, les incroyants,… sont citoyens à part entière. C'est la liberté de conscience reconnue comme une condition du vivre pacifiquement ensemble, et qui préfigure la loi laïque de séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905.

De retour dans sa ville, début octobre 1791, Poulain-Corbion est reçu avec les honneurs, preuve s'il le fallait de l'estime de ses concitoyens.

Jules Lamare dans son Histoire de la ville de Saint-Brieuc écrit :

« A leur retour, MM. Poulain de Corbion et Palasne de Champeaux furent reçus avec de grands honneurs. M. de Corbion fut harangué par M. Besné, l'orateur attitré de la municipalité, qui salua dans l'ancien député  « le citoyen généreux, l'ami sûr, l'homme vrai,….enfin l'un des fondateurs du dogme impérissable de la liberté publique et de la liberté individuelle de la nation française ». (p. 204).

Pouvait-on recevoir meilleur éloge ?

Il est d'ailleurs réélu à la tête de la Municipalité, mais il refuse ce nouveau mandat.

  1. Poulain-Corbion Commissaire du Directoire.

Pendant les années suivantes, de 1792 à 1795, Poulain-Corbion n'occupe pas de fonction politique, se contentant d'être premier juge au tribunal de commerce. On a dit qu'il réprouvait les excès de la Terreur et qu'il protégea même, les cachant dans son domicile, des prêtres réfractaires.

En 1795, sous le Directoire, il revient à la politique pour occuper le poste de Procureur de la Commune, et en 1797, il devient Commissaire du gouvernement du Directoire auprès de la municipalité. Fonction qui n'existe plus actuellement , et qui est assez assimilable à celle de Préfet, à la différence que les préfets n'apparaissent que plus tard et représentent l'Etat à l'échelle d'un département.

En octobre 1799 notre région vit dans un climat de guerre civile, du fait notamment des exactions des Chouans qui ont pris les armes contre le régime nouveau dans la perspective de le renverser. Et dans la nuit du 25 au 26 de cette fin d'octobre de 1799, de 600 à 800 Chouans investissent par surprise la ville, dans le but de délivrer les leurs qui y sont prisonniers et  de  faire main basse sur des armes.

Imaginer la ville de Saint-Brieuc avec  6 à 8ooo habitants. Ramenée à la population d' aujourd'hui de l'ordre de 50 000 habitants (davantage si l'on considère l'ensemble de l'agglomération), ce serait une troupe de 5000 hommes déterminés à en découdre qui aurait ainsi déboulé nuitamment dans les rues non encore équipées d'éclairage public…

On relève une dizaine de morts au petit matin dont celle de Poulain-Corbion. Emotion considérable. Poulain-Corbion homme de confiance de la commune et de l'Etat républicain qu'il représentait es qualité..

 

La riposte des « forces de l'ordre » est tardive mais vigoureuse, à la mesure de l'émotion suscitée dans la ville Les Chouans sont poursuivis jusque la forêt de Lorge, perdent une trentaine des leurs et le canon qu'ils avaient pris…

L'histoire pourrait s'arrêter là. D'autant que le coup d'Etat du Général Bonaparte le 19 brumaire an VIII (9 novembre 1799), 15 jours après la mort de Poulain-Corbion, marque aussi la fin de la Révolution.

  1. Poulain-Corbion dans la mémoire collective des Briochins

Dans le panthéon des grands hommes dont Saint-Brieuc peut s'honorer, nul doute, que Poulain-Corbion a sa place. Et laquelle ? sinon la première. De toutes les personnalités éminentes de Saint-Brieuc, aucune n'égale celle de Poulain-Corbion.

Les Briochins l'ont d'ailleurs ainsi compris. Dès l'année 1800, il est envisagé de lui dresser un monument à sa mémoire et à sa gloire. Il aura droit à une première plaque sur la cathédrale  en 1880 (on y voit encore les emplacements des clous de fixation), puis à une superbe statue, le plus beau monument que Saint-Brieuc ait eu. Plus de 5 m de haut, sur la place d'honneur par excellence, c'est-à-dire devant l'Hôtel de ville, œuvre du plus grand des sculpteurs briochins, Pierre Ogé. C'était en 1889, sous la Municipalité de Charles Pradal.

Et incarné dans le bronze du sculpteur, Poulain-Corbion a ainsi pendant quelques 63 années,  comme veillé silencieusement sur  la ville. Jusqu'à ce qu'en 1942, sous la période sombre de l'Occupation, les Allemands décident, avec le soutien actif du Préfet nommé par Vichy, de récupérer le bronze et donc de fondre la statue.

Et le magnifique socle sculpté en granit,  œuvre du tailleur de pierre  Jean Hue, dont l'atelier se trouvait   rue Maréchal Foch, n'a pas été conservé malgré les assurances qui avaient été données. Un moment stocké boulevard Pasteur, les éléments de ce socle ont été évacués, sans doute dans la décharge de Cesson en 1970, quand la Municipalité d'alors a décidé de construire l'actuelle école de la rue des Merles sur le terrain du dépôt des matériaux.

Ne subsiste plus, pour les générations à venir,  gravés sur la plaque apposée sur la façade ouest de la cathédrale, que les mots simples mais chargés d'émotion contenue, rappelant la mort héroïque du grand homme :

« Dans la nuit du 5 brumaire an VIII (25-26 octobre 1799), ici mourut glorieusement le citoyen Poulain-Corbion Jean François Pierre, Procureur syndic de la commune.

Sommé les baïonnettes sur le cœur de crier Vive le Roi ! il répondit Vive la République ! et tomba aussitôt percé de coups. »

L'Association Républicaine Poulain-Corbion s'est donnée 2 objectifs intimement liés :

-- Faire refaire un Monument en remplacement de celui édifié devant l'Hôtel de Ville en 1889 ;

-- Défendre et vivifier les valeurs de la République que Poulain-Corbion a incarnées de son vivant et notamment lors de sa mort tragique dans la nuit de 26 octobre 1799.

5. L'héritage de Poulain-Corbion

L'exposition  a été judicieusement intitulée « L'héritage de Poulain-Corbion ». Nous sommes tous les héritiers de Poulain-Corbion, de son action en tant que maire, de son mandat de député, de sa fonction de représentant de la République qui lui a valu la mort tragique que l'on sait. Et ce n'est que justice d'en raviver le souvenir.

On a pu, Claude Saunier notamment, s'interroger sur les raisons de l'oubli dans lequel il est tombé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. On peut  certainement analyser en finesse ces raisons. Mais il  en est une qui vient immédiatement à l'esprit : c'est la non reconstruction du monument enlevé en 1942 !

C'est d'ailleurs, dans toutes les civilisations, dans toutes les sociétés, la fonction première des monuments que d'empêcher la chape de l'oubli de tomber sur les grands événements et les grands hommes. Fonction d'autant plus honorable si on y adjoint l'apport esthétique et émotionnel d'œuvres d'artistes, ce qui était le cas pour le statuaire briochin  Pierre Ogé.

L'oubli est générateur d'erreur. Ne va t-on pas jusqu'à suggérer que l'histoire de Poulain-Corbion  serait une légende, que sa mort tragique serait  une fable ? De là à penser que   la cause qu'il a défendue, jusqu'à son dernier souffle en serait une aussi, il n'y a qu'un pas.

Il faut donc s'attacher à rétablir les faits sur la base de documents qu'il convient  de rechercher en toute objectivité.

Recourons donc  au rapport officiel rédigé par l'Administration centrale du département  (le Conseil Général d'aujourd'hui) à la suite de l'attaque du 4-5 brumaire. Daté du surlendemain, le 7 brumaire, en voici quelques passages  (le rapport fait 3 pages) :

« Nous vous faisons part, citoyens, de l'événement dont ce chef-lieu vient d'être le théâtre. Dans la nuit du 4 au 5 brumaire de ce mois, à trois heures du matin, la ville fut assaillie par une horde de brigands qui, simultanément, attaqua en force les postes ordinaires où se faisait le service de la garde. Ces attaques inattendues furent accompagnées, sur tous les points, de cris prolongés de vive le roi. (….)

La résistance de la ville s'étant organisée, de violents affrontement eurent lieu :

«  A six heures et demie elle( la ville) était entièrement évacuée. Lorsqu'on put vérifier le mal qu'avait fait l'ennemi, on reconnut qu'il avait emmené un pièce de campagne de 4. On trouva dans les rues et sur la place sept bourgeois tués, au nombre desquels était Poulain-Corbion père, commissaire du directoire exécutif, un gendarme. Il y a  eu neuf bourgeois blessés grièvement, ainsi que le capitaine de gendarmerie, trois gendarmes et trois militaires. (…).

Ne pas se contenter d'un seul témoignage, fut-il de première importance,  est une prudence recommandable. En voici donc un autre, extrait du journal l'Armorique, que m'a fait lire Gilles Mathonnet (qui possède aussi des peintures de l'époque représentant Poulain-Corbion et sa famille). Voici ce qu'écrit, en 1868, un arrière petit-fils de Poulain-Corbion , avocat lui aussi.

« Le 30 octobre 1797, à une époque où la République, sortie des tristes jours de la Terreur, était devenue un gouvernement régulier, Poulain Corbion fut installé en qualité de Procureur de la Commune et commissaire du pouvoir exécutif ; le 20 mai 1798, il était nommé conservateur des bâtiments militaires de Saint-Brieuc, et il jurait DE MOURIR, ce sont les termes de son serment, plutôt que de trahir le gouvernement de la République devant l'ennemi.

Le magistrat civil a tenu son serment : IL EST MORT plutôt que de livrer les clefs de la poudrière aux chefs du parti qui avaient envahi la cité. Il était deux heures du matin. M. Huet, ancien notaire, m'a souvent raconté que, dans la matinée, il avait contemplé son cadavre adossé contre la tour nord de la cathédrale et sa belle chevelure blanche rougie par son sang. Son fils, mon grand-père, qui était lieutenant des canonniers, fut blessé dans la rencontre, et ma grand-mère m'a plus d'une fois parlé de la nuit affreuse qu'elle avait passée au corps de garde, où elle avait été jetée avec d'autres victimes de ces déplorables dissensions. »

On peut discuter de tel ou tel détail. Mais le meurtre de Poulain-Corbion et de quelques autres Briochins dans cette nuit du 25 au 26 octobre 1799 est bien une réalité, qu'il importe donc de ne pas oublier ou travestir.

Mais l'oubli n'est complice de l'ingratitude que si on s'abstient de le réparer. Et l'on sait que l'ingratitude n'est pas ici de mise. En témoigne, s'il le fallait, l'assiette commémorative du bicentenaire de la Révolution, peinte par l'artiste bien connu Coupé, sur une commande de Louis Gautier. Un beau cadeau d'entreprise à l'effigie de Poulain-Corbion, au recto, et avec, au verso, le rappel des circonstances de sa mort.

Poulain-Corbion, son engagement comme Maire de Saint-Brieuc, puis dans la Révolution de 1789 et sa fin tragique comme représentant de la République, reste bien dans la mémoire collective des Briochins.

Et concurremment les descendants de Poulain-Corbion se saisissent aujourd'hui du renouveau d'intérêt pour leur ancêtre, afin de remettre au jour, les éléments épars d'un arbre généalogique  nécessairement étendu, compte tenu de la dizaine ou douzaine de générations qui se sont succédé depuis 1799. Et de reconsidérer les vieux tableaux de famille, de rechercher les ressemblances physionomiques, de déplier précautionneusement  des papiers jaunis ou de vieilles coupures de presse….Autant de marques de fidélité au grand ancêtre commun.

 La connaissance du passé n'obéit pas seulement à une satisfaction d'ordre intellectuel ou sentimental.

La connaissance du passé pour nos sociétés est constitutive de nos racines, elle préjuge aussi de notre devenir. C'est ce qu'avaient compris en 1889 les Charles Pradal, Charles Baratoux, Ernest Renan, Jules Simon et autres Leconte de Lisle lorsqu'ils parrainaient la construction d'un monument à Poulain-Corbion à l'initiative du Paimpolais Armand Dayot, Président des Bleus de Bretagne. Des Bleus, c'est-à-dire des Républicains. A une époque où la République était encore fragile, on appelait Poulain-Corbion, mort pour la République sous la Grande Révolution, à la rescousse de la République, un siècle après.

Nous nous réjouissons ici de rappeler la proposition d'Evelyne Bot, appuyée par Madame Simon conservateur du Musée, de prévoir  l'an prochain, une seconde exposition cette fois consacrée à la période d'édification du Monument par Pierre Ogé.

Nous sommes persuadés que ranimer le souvenir de la vie (et de la mort) de Poulain-Corbion, par des expositions comme celle-ci,  lui redonner sa place sous la forme d'une œuvre sculpturale dans notre centre ville historique en cours de restructuration, tout cela ne peut être que bénéfique pour la défense de notre patrimoine commun, constitué notamment par les valeurs républicaines de démocratie, de laïcité, de solidarité et de fraternité.

                                                  

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07/04/2010

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