Association Républicaine Poulain-Corbion

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L'historien Jules Lamare et la mort de Poulain-Corbion

  L’invasion des chouans et la mort

           de Poulain-Corbion

 

                                   Par Jules Lamare

       Histoire de la ville de Saint-Brieuc 1884

 

  

 

 

(Les sous-titre sont de la rédaction du blog)    

 

 

                   (p. 230)  C'est au milieu de ces alarmes qu'eut lieu une nouvelle invasion de Saint-Brieuc par les chouans, dans la nuit du  4 au 5 brumaire an VIII (26-27 octobre 1799).  Les relations qui en ont été faites ont été puisées à des sources différentes.  Celles de MM.  Habasque et Le Maout sont établies d'après le procès-verbal d'enquête du 6 brumaire dressé par le juge de paix Cartel. Elles ne reflètent, par conséquent, que l'opinion d'un certain nombre de républicains, habitants de Saint-Brieuc.  Les auteurs des Anciens Evêchés ne se sont pas bornés à cette information. Ils ont entendu des témoins pris dans les deux camps, et ont eu recours largement aux papiers de famille de M. de Kerigant.  Tout en se montrant favorables aux chouans sur certains points, ils ont dramatisé la résistance et présenté l'une des victimes comme l'émule des Spartiates. M. de Kerigant, en publiant récemment ses souvenirs de famille dans un livre intitulé les Chouans, a réduit cette affaire aux proportions d'un coup de main, sans y trouver  de combats sérieux, ni d'épisodes héroïques.

 

Sur la base de faits incontestés

             Profitant des travaux de nos devanciers, nous recueillerons les faits incontestés et, pour les autres nous nous appuierons de préférence sur un document inédit, qui nous inspire une certaine confiance à cause du ton simple et peu enthousiaste du récit : c'est le rapport de l’administration centrale du département au ministre de la guerre, au sujet de l'irruption des chouans à Saint-Brieuc.

            La prison était remplie d'un grand nombre de chouans, parmi lesquels se trouvait une parente de leurs chefs, Mme Le Frotier, qui venait d'être condamnée à mort.  Dans une conférence tenue chez Legris-Duval, il fut décidé qu'on essaierait de la sauver. Le chef de l'expédition fut Mercier, dit La Vendée, assisté de Carfort et de Saint-Régent. De Barre, Keranflech et Du Fou les secondaient.  Rolland, dit Justice, fut chargé de pénétrer dans la ville sous un déguisement, d'y prendre des renseignements et de donner à leurs partisans les avis nécessaires.  Plusieurs colonnes composées de gars du Morbihan et des Côtes-du-Nord, au nombre de 5 à 600, de 1000 au plus, se mirent a marche vers Plaintel, où la réunion devait avoir lieu.

 

     Une ville mal gardée

            Il est si difficile d'admettre qu'un pareil mouvement ait pu rester tout à fait secret, que l'administration fut accusée de l’avoir connu.  La nouvelle en serait venue, a-t-on dit, du

Morbihan ; des menaces auraient été affichées pendant la nuit sur les murs, et le commissaire du  Directoire exécutif, Poulain-Corbion, aurait prié inutilement ses collègues de prendre des mesures.  Ce qui a dû donner naissance après coup à tous ces bruits, c'est qu'on avait fait, la veille, une publication pour défendre aux citoyens non armés de sortir, la nuit, de leurs maisons et qu'on avait affaibli la garnison en éloignant la compagnie des carabiniers. Les soldats de la 7le demi-brigade, dont on aurait pu disposer, étaient relégués dans leur caserne et tous les postes étaient occupés par les gardes nationaux.  Les chouans n'ignoraient pas cette circonstance, qui leur était très favorable.

 

  La ville aux mains des chouans

            Saint-Brieuc était en effet si mal gardé que les chouans, partis de Plaintel vers dix heures, purent entourer la ville endormie et y pénétrer sans bruit entre deux et trois heures du matin.  Le poste de la route de Lamballe et celui la place de la Liberté (aujourd'hui place de la Préfecture furent enlevés en même temps, presque sans combat, et, pendant que des patrouilles parcouraient les rues, aux « Vive le roi », et en tirant des coups de feu sur ceux qui paraissaient aux fenêtres, de forts détachements se portaient à l'Hôtel de Ville, à la prison et aux casernes.

 

            L’Hôtel de Ville était situé dans la cour actuelle de la Préfecture.  Les bureaux du département en occupaient premier étage et ceux de la municipalité, le rez-de-chaussée L'entrée était défendue par une grille dont la serrure fut forcée à coups de masses de fer.  Les chouans pénétrèrent dans la cour et y trouvèrent deux pièces de campagne de 4. Ils en gardèrent une, après en avoir, on ne sait pourquoi détaché l'avant-train ; ils enfoncèrent deux portes du local du département, entrèrent dans un bureau dont ils renversèrent les cartons et foulèrent aux pieds les papiers.

 

             Le détachement qui avait surpris le poste de la route de Lamballe s'empara des écuries de la cavalerie, établi dans l'ancienne chapelle de Saint-Guillaume, enleva 39 chevaux de la 4e compagnie du 2e régiment de chasseurs et 23 chevaux des 5e et 6e d'artillerie légère, qu’ils firent conduire au dehors, en longeant l'enclos des Cordeliers. Le quartier de la garnison, c'est-à-dire l'ancien couvent des Ursulines, était en même temps bloqué par une troupe que commandait Du Fou.  Les chouans pénétrèrent une chambre et y prirent quelques armes.  Tous ces faits,  consignés dans le rapport officiel, prouvent que la garnison n'était guère nombreuse.  Ce rapport ne mention l'acte de courage d'un vieux sous-officier qui, au dire de MM. Habasque et de Geslin, faisant honte à ses conscrits  les aurait entraînés, aurait repoussé les assaillants dans la cour de la caserne, puis fait le coup de feu jusqu'au bas de la rue aux Chèvres.

 

               La prison était le but de l'expédition.  Les défenseurs aussi bien que les détenus étaient donc en émoi, en entendant les coups de fusil qu'on tirait autour d’eux, et, chose étrange, dans ce bâtiment isolé, le poste n’était composé que de sept hommes. La déposition du geôlier Peyrode nous montre celui-ci sonnant inutilement la cloche d'alarme, puis suppliant, au nom de Dieu, ses prisonniers, qui avaient eu cependant à se plaindre de lui, de demander sa grâce.  Les chefs la lui accordèrent et, à la faveur du désordre, il put se sauver et aller se cacher au Petit-Moulin.  Pendant ce temps, le jeune le Frotter, accompagné de Justice, délivrait sa mère et les autres détenus au nombre, dit-on, de 247.  On s'empressa de les faire sortir de la ville.

 

Une résistance tardive mais réelle

               Les chouans avaient donc réussi dans leur projet ; mais si, dans le premier moment de stupeur, ils s'étaient emparés facilement des principaux postes, ils avaient bientôt rencontré, pour l'honneur de la cité, un peu de résistance.  Au bruit de la fusillade, quelques braves citoyens s'étaient levés et dirigés naturellement vers la placeCette place était un vrai traquenard d'où il était impossible de s'échapper.  La plupart furent saisis, désarmés et jetés au poste.  De ce nombre furent Désury, Balay, Olivier Morin, le lieutenant de gendarmerie Chrétien.  Le capitaine Thomas fut moins heureux que son lieutenant : frappé de coups de bayonnette, il fut laissé pour mort, mais il guérit devint général. Son maréchal des logis, Valin, mourut quelques jours après des suites de ses blessures.  La gendarmerie fit donc bravement son devoir, comme toujours.  La troupe ne donna pas - nous l'avons dit. - Le général Casabianca ne sortit pas non plus de son logis. On a prétendu qu'arrivé de la veille, il ne voulait pas s'aventurer dans des rues qu'il ne connaissait pas et que d'ailleurs il croyait à la trahison.  Les états de services de ce général protestent contre le sobriquet injurieux de Casa-Peura lui fut donné à cette occasion, et d'ailleurs comment aurait-il pu agir sans le concours des administrateurs de la ville et du département ?

 

La mort de Poulain-Corbion

                 Qu'étaient devenus ces administrateurs ? On n'en cite deux qui soient accourus au feu : le président de l’administration départementale, Le Provost, et le commissaire du Directoire exécutif près la municipalité, Poulain-Corbion.  D'après le rapport officiel, qu'on ne peut suspecter dans cette circonstance, le président du département se serait jeté avec son fils dans un parti de chouans qu'il prenait pour des républicains, et, au moment d’être fusillé, il s'échappa par le plus grand des hasards. Poulain-Corbion fut arrêté pendant qu'il se rendait à la municipalité alité.  Ayant fait connaître son titre, il fut sommé de crier : Vive le roi ! - Non, dit-il, vive la République ! et il tomba percé de coups.  C'était à peu de de distance de sa demeure (évêché actuel), et non à la porte poudrière (tour nord de la cathédrale), dont il n'avait point la garde.  Les clefs de la poudrière étaient entre les mains du capitaine d'artillerie Dambrine qui, se voyant arrêté, réussit à les mettre en sûreté.

 

                   En rétablissant les faits tels qu'ils se sont passés, et en écartant ce qui nous semble appartenir à la légende, il ne saurait entrer dans notre pensée de diminuer le mérite de ceux de nos concitoyens qui ont été tués en défendant leur cité envahie.  Pour ceux-là, le sacrifice fut complet et les détails imaginés après coup n'ajouteront rien à leur dévouement.  Réunissons donc dans un même sentiment de respect :

DARTHUY, peintre en bâtiments ; GAUTIEP., marchand-tailleur; BOTREL, commis à l'administration centrale ; MARVIS, commis au bureau du payeur ; LE BRETON et CHARDRONNET, gardes nationaux ; COUTURE, musicien de la 13e demi-brigade ; FOURNIER, gendarme; VALIN, maréchal-des-logis de gendarmerie; POULAIN-CORBION, commissaire du Directoire exécutif.

 

Une mémoire inviolable en dehors des partis.

                   Parmi ces morts honorés, Poulain-Corbion occupait le premier rang  par sa position et les services qu'il avait rendus.  L'un des principaux représentants de Saint-Brieuc, au début et à la fin de la Révolution, il en avait connu les ardeurs et aussi sans doute les amertumes.  Il aurait voulu, comme Palasne, en empêcher les excès.  Sa mort lui a fait une mémoire inviolable en dehors des partis.

                                                          …………………..

 



13/03/2012

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