Association Républicaine Poulain-Corbion

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La mort de Poulain-Corbion : témoignage d'un descendant en 1868

La mort de Poulain-Corbion

 

(L’Armorique. Lundi 5 juillet 1880) N° 44

Bureaux : 7, Grandes Promenades Saint-Brieuc)

 

Chronique régionale

 

Nous recevons la copie de la lettre suivante adressée au journal Le Progrès :

 

Saint-Brieuc, le 4 juillet 1880

 

Monsieur le rédacteur,

 

Le journal Le Progrès du 4 juillet m’a été adressé ce matin et j’y ai lu un article de M. Armand Dayot réclamant l’érection à St-Brieuc d’un monument commémoratif de la mort glorieuse de Poulain Corbion, mon aïeul. En remerciant l’auteur de cet article de ses intentions bienveillantes et de son appréciation vraie d’un fait qui honore ma famille et moi-même, je ne puis tout d’abord que répéter ce que j’avais eu l’honneur d’écrire, le 26 janvier 1868, alors que M. Pellarin avait demandé, après d’autres écrivains, que le nom de Poulain Corbion fût donné à la place publique qu’il arrosa de son sang :

 

            « Je suis personnellement reconnaissant de cet hommage rendu à la mémoire de mon glorieux ancêtre, et si j’avais une observation à faire, ce serait de le trouver incomplet. En effet M. Pellarin semble dire que c’est seulement par sa mort que Poulain Corbion a bien mérité de son pays ; c’est aussi par sa vie. Dès 1779, Poulain de Corbion (car c’était son nom) était nommé, par voie d’élection, maire de Saint-Brieuc et colonel de la milice bourgeoise, dont fut élu capitaine M. Leuduger-Fortmorel, le père de celui qui fut son gendre.

En 1782, Poulain de Corbion fut réélu maire et envoyé par la communauté de ville représenter la sénéchaussée de Saint-Brieuc aux Etats de Bretagne qui se tinrent à Rennes. C’est sous son administration et par ses soins que fut dressé le premier plan de la ville de Saint-Brieuc, que fut établie la promenade Duguesclin, dont les tilleuls, qui ombragent encore notre génération, furent plantés, à ses frais, en 1788. Vers cette époque aussi, il fit construire les quais du Légué du côté de Saint-Brieuc et obtint à cet effet du vicaire de l’église Saint-Michel un prêt de 12 000 livres fait à la ville sans intérêts ; c’est également à lui que l’on doit le pavage de la ville et l’établissement d’une chambre littéraire.

 

En 1789, les électeurs choisirent Poulain de Corbion et Palasne de Champeaux pour les représenter aux Etats-Généraux, et quand mon aïeul revint à Saint-Brieuc, à l’expiration de sa mission, le 13 octobre 1791, les honneurs qu’on lui rendit à son arrivée, le discours qui lui fut adressé au nom de la population par M. Besné de la Hauteville, officier municipal, sont la preuve qu’il avait rempli, suivant les intentions de ses commettants, le mandat qui lui avait été confié ; il s’était associé aux réformes inaugurées en 1790, il avait embrassé les principes de sage liberté dont il était temps enfin de faire l’application, et donné des preuves de son entier dévouement à la chose publique.

 

Mais pendant…..1792, 1793 et 1794, Poulain de Corbion qui n’aurait pas voulu s’associer aux excès commis au nom de la liberté, resta complètement étranger aux affaires politiques. Le 9 novembre 1791, réélu maire par 110 voix sur 122 votants, il n’accepta pas cette dignité : désireux cependant de ne pas rester inactif et de servir ses concitoyens sur un terrain où la politique ne s’assied pas, il accepta le 20 février 1792, d’être premier juge au tribunal de commerce nouvellement créé, où il fut élu avec MM. Chaplain, Vésury, Sébert et Villeberno.

 

Le 30 octobre 1797, à une époque où la République, sortie des tristes jours de la Terreur, était devenue un gouvernement régulier, Poulain Corbion fut installé en qualité de Procureur de la Commune et commissaire du pouvoir exécutif ; le 20 mai 1798, il était nommé conservateur des bâtiments militaires de Saint-Brieuc, et il jurait DE MOURIR, ce sont les termes de son serment, plutôt que de trahir le gouvernement de la République devant l’ennemi.

Le magistrat civil a tenu son serment : IL EST MORT plutôt que de livrer les clefs de la poudrière aux chefs du parti qui avaient envahi la cité. Il était deux heures du matin. M. Huet, ancien notaire, m’a souvent raconté que, dans la matinée, il avait contemplé son cadavre adossé contre la tour nord de la cathédrale et sa belle chevelure blanche rougie par son sang. Son fils, mon grand-père, qui était lieutenant des canonniers, fut blessé dans la rencontre, et ma grand-mère m’a plus d’une fois parlé de la nuit affreuse qu’elle avait passée au corps de garde, où elle avait été jetée avec d’autres victimes de ces déplorables dissensions. »

 

(…)

 

 

Agréez, monsieur le Rédacteur, l’hommage de mon respect.

 

J.-M. Poulain Corbion, père, Avocat.

Pour adhésion : Jean Poulain-Corbion, fils, avocat.

 

Au dernier moment nous apprenons que le conseil municipal réuni, hier, en séance extraordinaire a décidé qu’un plaque commémorative serait apposée à l’endroit où M. Poulain Corbion a été frappé.

A cette occasion, le 14 juillet, les autorités seront convoquées et plusieurs discours seront prononcés sur la place de la Préfecture.

 

[Article recopié du journal L'Armorique].

 

Sur cette vieille carte postale, la tour nord de la cathédrale, où Poulain-Corbion a agonisé, est visible à gauche du porche. On devine la plaque blanche, apposée en 1880 comme annoncé dans L'Armorique. Cette plaque, aujourd'hui disparue (on devine cependant son emplacement) a été remplacée, au lendemain de la seconde guerre mondiale, par une autre en granit sombre, fixée plus bas, et qui porte une inscription rappelant  les circonstances de la mort du héros républicain.

 

A droite l'Hôtel de ville inauguré le 14 juillet 1889. 




09/10/2010

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