Jean Kergrist déboulonne le héros
Article du Télégramme du 31 mars 2012
Jean Kergrist publie un ouvrage iconoclaste sur Poulain-Corbion, Briochin élevé par certains au rang de «héros de la République». Ses recherches aux archives lui révèlent un tout autre personnage...
Quel Briochin de souche ou d'adoption n'a pas entendu relater ce fait présenté comme historique: par une nuit d'octobre1799, des Chouans (un millier?) envahirent la ville dans l'intention de libérer leurs frères enfermés dans la prison locale, dont plusieurs condamnés à mort. S'étant emparés d'un canon, ils sommèrent le sieur Poulain-Corbion de leur remettre les clés de la poudrière située dans une tour de la cathédrale, et de crier «Vive Le roi!» L'homme, refusant de s'exécuter, s'écria «Vive la République!», et s'écroula transpercé par les baïonnettes... «Une légende qui a la vie dure», selon Jean Kergrist, sur le point de publier un ouvrage très documenté sur le sujet. Quatre ans de recherches assidues aux Archives départementales l'amènent à soutenir la thèse suivante: Poulaint-Corbion, délégué aux États Généraux qui précédèrent la Révolution, élu maire en 1792, refusa cet honneur et «disparut de la vie publique».
«Pas un prix de vertu!»
«En réalité, il avait accepté la charge de président du tribunal de commerce, et il était chargé de la vente des biens confisqués à la noblesse et au clergé», précise Kergrist. Comme il était d'usage à l'époque, le magistrat aurait profité de l'aubaine pour réaliser des acquisitions juteuses. «Aujourd'hui, il serait mis en examen pour prise illégale d'intérêt», souligne l'auteur. Voilà qui écorne quelque peu la réputation du «héros de la République», d'autant que les circonstances de sa mort ne seraient pas non plus aussi glorieuses qu'on l'a dit. «Et l'on voudrait nous faire prendre cet homme pour un prix de vertu!»
Reconstruire la statue?
Pourtant, chaque année, l'association Poulain-Corbion rend un hommage public au grand homme. Et même, elle milite pour la reconstruction de la statue (oeuvre du Briochin Pierre Ogé) qui fut érigée à sa mémoire en 1889, et fondue par les Allemands, comme tant d'autres, en 1942. Le sujet était même évoqué au conseil d'agglo jeudi (Le Télégramme d'hier) «La statue représentait le héros tenant les clés de la poudrière d'une main, et repoussant les Chouans de l'autre», s'amuse Jean Kergrist. Une autre association, la très sérieuse Société d'Émulation, défend sur la mort de Poulain-Corbion une version qui lui est propre. Bref, 213 ans après les faits, les passions sont loin d'être apaisées, et l'initiative de Kergrist risque de jeter de l'huile sur le feu.
«Aucun a priori»
Mais pourquoi diable le comédien-écrivain-historien est-il allé mettre son nez dans cette affaire? Il n'avait, assure-t-il, aucun a priori sur Poulain-Corbion, et même, en républicain convaincu, il participait volontiers aux rassemblements en son honneur. «Mais j'ai découvert qu'un de mes ancêtres avait participé à ce coup de force ultime de la chouannerie bretonne. J'ai voulu en savoir pluset je me suis passionné pour cette magnifique entourloupe historique, raconte-t-il. Il vaut mieux pour tout le monde que la vérité soit connue». Jean Kergrist n'avance rien au hasard: son livre, fruit d'un travail patient et méthodique, est enrichi de 255 notes renvoyant à des documents d'archives. L'ouvrage sortira début avril. Et déjà, les premiers plans d'un docu-fiction destiné à France 3, réalisé par l'auteur, ont été tournés...
«Qui a tué Poulain-Corbion?», Jean Kergrist, éditions des Montagnes Noires. L'auteur donnera une conférence le 20avril, à la bibliothèque.
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