Association Républicaine Poulain-Corbion

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Lettre de Poulain de Corbion au Ministre Necker

Lettre à Necker du 1er Septembre 1788

 

 On trouvera successivement :

   - La photocopie de la lettre manuscrite de Poulain-Corbion à Necker dont l'original est conservé aux Archives Nationales ;

    - La transcription de la lettre avec respect de la syntaxe.

Ce document est rédigé dans le cadre de la préparation des Etats Généraux de 1789. C'est un complément (un "supplément") à un mémoire précédemment envoyé au Ministre. Il permet de mesurer l'attention que Poulain-Corbion porte aux paysans et son souci que leurs intérêts soient pris en compte dans les réformes à venir. Le Cahier de doléances de Saint-Brieuc, consultable également dans un autre article, reprend plus en détail les revendications, non ici exposées, du monde paysan, mais sans s'y limiter puisqu'il s'agit de doléances de l'ensemble du Tiers Etat.

 

Lettre à Necker du 1er sept 1788 p 1 de 5.JPG

 

Lettre à Necker du 1er sept 1788 p 2 de 5.JPG

Lettre à Necker du 1er sept 1788 p 3 de 5.JPG

Lettre à Necker du 1er sept 1788 p 4 de 5.JPG

Lettre à Necker du 1er sept 1788 p 5 de 5.JPG

 

On trouvera ci-dessous la transcription de la lettre manuscrite, en respectant orthographe et ponctuation.

 

Archives Nationales : cote H/1/564

 

 

 

Page 1 de 5

 

 

 

«  illisible

 

9.Nov. 1788

 

 

 

Monseigneur,

 

 

 

Le tems ne m’ayant pas permis d’achever mon mémoire concernant l’assemblée des notables que j’ai eu l’honneur de vous envoyer le 28 du mois dernier, j’ai celui de vous faire passer le supplément à le mémoire, que je vous supplie de vouloir bien y joindre,

 

 

 

Je suis d’un Très Profond Respect,

 

 

 

Monseigneur,

 

 

 

                                                                    Votre très humble et très obéissant

 

                                                                     Serviteur

 

                                         

 

                                                                       Poulain de Corbion :.

 

                                                                                          Maire

 

 

 

St Brieuc le 1er 9bre 1788

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Supplément au Mémoire du 28 . 8. 1788

 

 

 

Dans les derniers troubles le peuple n’a pas été éclairé pour tant la classe plus essentielle, celle des habitants des campagnes qui est la plus précieuse, celle enfin qui fait germer de sa sueur le grain dont elle nourrit les autres classes de citoyens, Le peuple des campagnes n’a point eu connaissance des édits on a pris le soin de ne pas les  lui envoyer, Plusieurs édits n’ont pas été publiés et affichés dans la ville, l’ont été trop tard, ou ont été arrachés aussitôt qu’ils ont été placés, ce qui a donné la facilité aux gens mal intentionnés de tromper le peuple par des écrits séditieux et remplis de faussetés sur lesquels la police fermait les yeux, tandis qu’elle s’efforçait de faire des recherches contre les personnes qui faisaient circuler des écrits, tendant à éclairer le peuple, quelle publiait des monitoires pour en découvrir les auteurs et distributeurs, et condamnait ces écrits à être brules par l’exécuteur de la haute justice.

 

 

 

Il est cependant de la plus grande importance pour le gouvernement que cette classe la plus précieuse à l’état qui est toujours opprimée, parce quelle n’est jamais représentée, soit consultée et donne son avis, Le peuple est plus éclairé qu’on ne pense, il se trouve dans les campagnes des gens qui pensent bien et capables de donner de très bons avis, quelqu’effort qu’on ait fait pour le séduire, La majeure partye des Généraux n’a pas protesté, Ceux qui ont protesté l’ont fait par crainte ou par complaisance, mais les individus sont restés fidèles à leur Roy. Le peuple a bien vu qu’on employait la séduction pour le tromper et on l’entendait souvent répéter qu’il ne connaissait que deux maîtres, Dieu e le Roy, Et ce qui prouve que son amour pour son maître est naturel, C’est que ny soutenu, ny  encouragé par personne il n’a dû sa fidélité qu’au seul mouvement de son cœur, Et il est très certain, que le peuple eu pris le party de son Roy, et que si sa Majesté avait conservé sa fermeté, l’établissement des tribunaux aurait eu lieu ; Le peuple sent bien que, les tribunaux formés en totalité de nobles doivent nécessairement faire pencher la balance en faveur de l’ordre auquel ils tiennent par les liens du sang ou de la fraternité et que la prédilection n’est pas pour lui ; Le party de l’opposition était sy convaincu que le peuple n’était pas pour lui, que quand le Roy donnait quelques marques de fermeté il tombait dans l’abattement et la consternation ; la Noblesse convient actuellement que les Parlements ont trop d’autorité et quand on lui reproche ce quelle a fait pour en obtenir le retour, elle répond que c’est quelle ne pouvait empêcher l’existence du Baillage sans obtenir le rappel des Parlements. Elle ne craint au surplus les Baillages que parce qu’ils seront composés en majeure partie de l’ordre du Tiers, raison pour laquelle ce dernier ordre doit tenir à l’établissement de ces tribunaux qui aurait eu lieu sans presque d’opposition sy le Roy n’avait pas cédé ; car tout ce qu’on a fait n’était qu’un beau simulacre auquel on a donné plus d’importance qu’il ne méritait ; Et il est de vérité très constante que plus des trois quarts de ceux qui paraissent les plus zellés parlementaires ne paraissent cela que par la crainte du Parlement, et sont Royalistes dans le cœur. Et ils le montreront quand ils le pourront faire avec sureté, c’est à dire, quand ils seront appuyés du Gouvernement qui a semblé abandonner ceux qui lui étaient attachés ; Il eut fallu que le Roy eut fait circuler dans le peuple des écrits avoués du Gouvernement par lesquels il l’aurait assuré de la protection spéciale, et l’aurait instruit de ce qu’il voulait faire pour lui, envoyer dans les paroisses un modèle de réclamation que le peuple pouvait faire et d’assurer qu’il aurait eu égard, et ordonner aux généraux des paroisses de délibérer en présence d’un commissaire du Roy, ou un juge royal délégué à cet effet et en exclure pour cette fois les juges et procureurs fiscaux du seigneur, attendu qu’il est de leur intérêt d’empêcher l’établissement de nouveaux tribunaux. Il n’est pas douteux que les généraux des paroisses eussent adopté des lois favorables au peuple :

 

 

 

Cela peut encore se réparer Il est tems encore de faire cet essay, On peut en espérer le plus grand succès, le peuple on ne peut trop le respecter n’ayant pris qu’une part forcée aux troubles quelques plaisirs qu’on lui ait donné quelque argent qu’on ait répendu (il est vrai en petite quantité) Il ne paraissait pas content , il ne prenait part au plaisir que par manière d’aquit et il ne tenait pas longtemps, Toujours demeuré fidèle à son  Roy, ses cris étaient toujours les cris de Vive le Roy, si quelques gens soudoyés criaient Vive le Parlement, leurs voix étaient couvertes par les cris de Vive le Roy, Il accepterait des lois qui le mettent à l’abri de l’injustice, surtout si le Roy s’assurait qu’on ne lui ferait plus d’injustice, de s’éloigner des grandes claces ou le mérite peut faire parvenir, Et que le mérite serait désormais récompensé partout où il se trouverait, sans distinction d’ordre ni de rang, Ce serait un grand moyen de faire revivre encore les Jean Bar, les Dugué Trouin, les Chever …, de rendre le royaume de France le plus florissant, le plus redoutable et le plus respectable de l’Europe, On ne peut se dissimuler que c’est l’émulation qui règne en Angleterre qui rend ce royaume sy puissant ; Ilfaudrait encore assurer le peuple que le Roy désire abolir la corvée et la convertir en une prestation en argent qui serait payée par tout les ordres, Et mettre entre les ordres de la Noblesse et du Tiers une juste répartition des impôts. Il faudrait enfin mettre sous les yeux du peuple les projets du Roy et prendre son avis, ces projets lui étant favorables il n’est pas douteux qu’il les accepterait avec reconnaissance, et que leur adoption serait d’un poids à faire pencher la balance aux Etats Généraux.

 

 

 

 

 



04/02/2014

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