Association Républicaine Poulain-Corbion

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Vive la République ! 3ème partie.

Les foudres conjointes de Berlin et de Vichy

Mon lointain, et faut-il le souligner, fraternel successeur, Brilleaud, eut parmi les premiers à subir les foudres de Vichy, destitué qu'il fut, parce qu'adepte du Grand Architecte.

Nous sommes début 1942. Depuis le 18 juin 1940, la ville est occupée par les armées allemandes.

Le maire, nouvellement désigné donc, reçoit l'ordre de livrer à l'occupant allemand, ma statue en bronze, celle du docteur Rochard, le buste de Baratoux et le médaillon Le Goff, celui-ci oeuvre du Rostrenois Le Bozec, aux Promenades.

Un enlèvement contesté

En effet, les témoignages de l'époque attestent que, mes chers concitoyens, vous avez, et ce n'était pas, on vous comprendra, chose aisée, protesté contre mon enlèvement . A la fois, par attachement disons filial, et ausi sans aucun doute par référence aux symboles que   Pierre Ogé avait dans le bronze sublimé.

Je sais gré également aux autorités muncipales de s'être, à leur manière, opposé à l'opération. N'ont-elles pas en effet, sollicité de l'occupant de pouvoir prendre des photographies dès avant le démontage et jusques y compris pendant l'opération?

La Kreiskommandantur de St-Brieuc, dans une lettre du 4 mars 1942, relève que le Maire

            " a demandé l'autorisation, avant l'enlèvement des statues de Poulain-Corbion et Dr Rochard et du médaillon Le Goff de faire prendre des photographies de ces monuments."

On se plaît, vous et moi, à noter que cette précaution, l'occupant ne s'est d'ailleurs pas trompé, avait valeur de témoignage, à toutes fins utiles. Le sort des armes n'était pas encore scellé.

Il l'a été . Mais le témoignage, avec les intentions qu'on peut légitimement y placer, ne vaut-il pas pour aujourd'hui? Et, dans toute justice, fût-elle celle des Etats, la réparation des torts, relève du droit élémentaire.

 En quoi le temps écoulé dispense-t-il de justes réparations?

Et il n'y a pas que je sache, prescription en matière de Droits de l'Homme, de République une et indivisible, de Liberté, d'Egalité et de Fraternité!

L'officier de la Kreiskommandantur poursuit :

"Autorisation est donnée à cet effet, par le Capitaine Mashke, sous les conditions suivantes :

            1) Les photographies ne doivent être prises qu'en présence d'un Feld Gendarme.

            2) Un cliché de chaque photographie doit être remis à la Kreiskommandantur...

Et, précise jusque dans les plus menues dispositions, la missive souligne :

"Le photographe Delaunay avenue du Palais doit s'adresser pour ce qui concerne les clichés à Monsieur le lieutenant Mang, Chef de la Feldgendarmerie St Brieuc et convenir avec lui des détails"

Le photographe à l'instar du statuaire

Les photographies de M. Delaunay témoignent de son talent.

Pierre Ogé, j'en suis certain, les aurait appréciées.

Elles ajoutent au pathétique de la situation, notamment lorsqu'elles me présentent, --vous comprenez que j'en arrive à me confondre avec elle, ma statue, -- juché sur cette plateforme de camion qui m'emporte, dans cette attitude que le statuaire avait superbement saisie, et que le photographe Delaunay sur pellicule a une nouvelle fois  magnifiée.

 Où l'on démonte ma statue

Le démontage de ma statue obéit-il aux seuls besoins en canons de la Wermacht ?

Le Préfet Feschotte a laissé le souvenir d'un fervent partisan de la Révolution nationale, celle de Pétain et de ses suppôts, et il est établi qu'il a fait pression sur la municipalité briochine pour qu'elle réponde aux desirata de l'occupant.

"Nous assistons aux tractations entre Mairie de Saint-Brieuc et Préfecture ; la première demandant un délai pour enlever le triomphateur d'il  y a soixante ans -- vous m'avez reconnu -- et la seconde refusant tout atermoiement dans l'exécution; »

peut-on lire dans la Croix des Côtes-du-Nord.

Ce même journal insiste : "D'ordre supérieur, la Préfecture enjoint à la Mairie de les faire disparaître sans délai, à titre de non-ferreux".

« D'ordre supérieur.. », c'est-à-dire de Vichy, selon ce jourmal qui en avait l'oreille.

La statue du Chevalier de la Barre, je vous en ai précédemment entretenu, sise à Paris au pied de la basilique, disparut-elle uniquement du fait qu'elle était aussi, comme la mienne de bronze ? Toute sympathie gardée, et pour cause, pour mon contemporain des Lumières, revenons à la mienne,. s'il vous plaît.

En effet, que dit la Croix des Côtes-du-Nord ?

"Certains de vos gestes, le souvenir des services que vous avez rendus avaient secoué l'indifférence de vos concitoyens, au point qu'ils veuillent vous exprimer leur gratitude (..) en érigeant sur une place de la cité, votre personne en métal.. »

« Certains de vos gestes,... » renvoie bien sûr à mon assassinat.  Ce dont mes adversaires n'ont jamais douté, comme on le voit.  Ils auraient eu pourtant la partie aisée dans ce contexte vichyssois.

« ... des services que vous avez rendus.. » : confirmation par mes adversaires de ce qui est encore à ce jour parfois contesté !

Mais poursuivons :

" ... Chaque génération, d'année en année, perdait un peu de sympathie pour ce monsieur qui gênait la circulation ; on le tolérait, toutefois, comme un de ces riens conservés par respect pour les aïeux.. "

De l'ironie et de la condescendance substituées à l'impossible mise en doute de mes engagements.

L'air connu des Chouans: la République au pilon !

« Mais voici qu'une révolution nationale, consécutive à de graves revers et à des maladies internes, mobilise les statues elles-mêmes et impose leur mise à pied d'oeuvre pour le transport au pilon.  "

« maladies internes.. » dites-vous?  Par allusion aux Juifs, aux Francs-maçons, aux Socialistes, aux Communistes, aux Républicains, aux grèves de 1936 et au gouvernement qui en résulta?

« transport au pilon » pour y être écrasé !

Air connu.  Celui des Chouans de l'an Vlll.

C'est votre divine surprise, votre divine revanche sur la Révolution de 1789, sur la République que vous avez toujours combattue, sur la Gueuse honnie!

Vichy, par Nazis interposés, à cent quarante ans de distance, tendait la main aux Chouans, aux adversaires des Lumières, de la Grande Révolution et de la République.

Et la Croix des Côtes-du-Nord est là pour mettre, comme vous dites, citoyens, les pendules à l'heure.

C'est bien donc pour cela, et pour cela uniquement, que je péris une seconde fois!

La géhenne pour la laïcité

La Croix ne s'y trompe pas, qui explique:

"En 18 76, le parti opportuniste et radical avait conquis la majorité à la Chambre et fait des progrès chez nous; il éprouvait le besoin de fortifier ses positions et de galvaniser les masses par la glorification des grands ancêtres... ".

Le joumal a bien mesuré, objectivement, le rôle de ma statue : défendre la République comme je l'ai déjà rapporté.

L'honorable journal ne peut que s'en offusquer, et voue à la géhenne celui dont il dénonce  la   « canonisation laïque ».

Citoyens, vous connaissez la suite.

Mais objecterez-vous, Baratoux et Rochard?

Mais, chers amis, ils sentaient aussi le soufre.  Baratoux en particulier, qui avait été le trésorier de la souscription lancée pour couvrir les frais de l'érection de mon monument en 1889.

Rochard?  Mais le buste du médecin était assorti de celle de la Médecine, sous sa forme féminine de surcroît - cachez-ce sein -, qui renvoyait donc, à l'instar de l'Athéna de Renan à Tréguier, à d'autres inspirations qu'apostoliques et romaines.

Le général Lariboisière, mon contemporain, natif de Fougères, ne fut pas épargné, pour des raisons qui ne sont sans doute pas étrangères à ce qu'il avait servi dans les armées de la Révolution avant de périr, sous les ordres de Napoléon, en campagne de Russie.

Je me plais, au passage, à lui présenter mes voeux de renaissance puisqu'il a retrouvé, lui, ainsi que sa monture, la place qui lui convient dans sa bonne ville.

La statue de Surcouf, autre contemporain, à Saint-Malo aurait pu subir le même sort que la mienne.  Pourquoi le fameux corsaire fut-il préservé?  Si, comme certains le disent, c'est parce qu'il pointe vers l'Angleterre, c'est donc que les besoins en matière première pour canons n' étaient pas si impératifs.

Et donc que des raison inavouées, mais bien évidentes, présidaient à ce Jugement dernier qui réservait à nos bronzes les ardeurs infernales.

Un homme tué deux fois

Comme le rapporte le Moniteur des Côtes-du-Nord, "Le mardi 24 mars, à 14 h 30, M.

Poulain Corbion, mollement couché dans une vulgaire camionnette, quitta la place de la

Préjécture.  "

Il ne se trompait pas le journaliste, c'était bien "Monsieur" Poulain-Corbion qu'on enlevait, ma personne statufiée en quelque sorte.  Ce que confirme le rapport d'un policier qui note

"On croyait assister aux obsèques d'un homme tué deux fois!



24/03/2010

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